« L'extraordinaire qui surgit dans notre quotidien. » Voici comment le journaliste Arnaud Bédat, qui a enquêté sur le drame de l'Ordre du Temple Solaire (OTS) pendant des mois, analysait cette affaire sur le plateau de la Radio Télévision Suisse francophone en 2019.   

Une affaire au cœur de la mini-série « Anthracite », nouvelle production française de Netflix, qui s’est hissée à la première place du classement des programmes les plus regardés en France depuis sa mise en ligne le 10 avril sur la plateforme.   

Cette fiction en six épisodes se déroule dans la petite ville fictive de Levionna, nichée dans les Alpes. C'est là, parmi les paysages enneigés, qu'en 1994, un suicide collectif impliquant les membres d'une secte avait fait les gros titres. Trente ans plus tard, une jeune femme est découverte sans vie, avec une trace d'anthracite sur le visage, ce qui suggère qu'elle a été victime d'un meurtre perpétré selon les pratiques rituelles de la secte des Écrins. Cette nouvelle disparition ravive les mystères autour des événements du passé. La série suit ainsi le parcours de trois personnages attachants : une gendarme (interprétée par Camille Lou), une enquêtrice ( Noémie Schmidt) et un jeune délinquant (Hatik). Ensemble, ils tentent de percer le secret de la secte des écrins.  

Fanny Robert et Maxime Berthemy, qui signent cette série, ont puisé leur inspiration dans un fait divers qui a captivé la France dans les années 1990 : le suicide collectif des membres de la secte du Temple Solaire. En 1995, cette secte a connu une fin tragique dans une forêt du Vercors, où seize personnes ont trouvé la mort, dont des enfants. Cette terrible histoire a profondément marqué Fanny Robert, la co-créatrice, qui a grandi près de Grenoble, à proximité du lieu du drame. Alors, comment les membres de cette secte en sont arrivés là ? Retour sur une histoire sombre et hors du commun.  

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La secte du Temple Solaire 

Dans les années 1980, en Suisse, Luc Jouret, jeune obstétricien de 23 ans, croise la route de Joseph Di Mambro, bijoutier aux pratiques douteuses. Tous deux évoluent dans les cercles de l'extrême droite et partagent un intérêt pour les rituels occultes. Sur les rives du lac Léman, ils organisent des interventions. Rapidement, ces réunions prennent la forme d’une secte : l’ordre du Temple Solaire. 

Comme dans « Anthracite », la secte est dirigée par ces deux gourous manipulateurs qui exercent un contrôle psychologique sur leurs adeptes. Ils les manipulaient en leur faisant croire qu'ils étaient capables d'accomplir des miracles et de délivrer des prophéties. Ces mensonges ont conduit à plusieurs suicides collectifs survenus en 1994, 1995 et 1997, respectivement en Suisse, au Canada et en France, entraînant au total la mort de 74 personnes.    

À chaque massacre, la scène est la même. Les corps sont retrouvés disposés en étoile, tous habillés de capes. La plupart des victimes ont été tuées par balles, mais certains présentent des signes de ligotage, avec les mains attachées dans le dos et un sac noir sur le visage. Malgré cela, personne ne semble avoir résisté. Des boîtes de médicaments ont été retrouvées sur les lieux. Près des plus jeunes, le sol est jonché de jouets, de peluches et de bonbons. 

  

La nuit du 15 décembre 1995 

L'intrigue d’« Anthracite » trouve un écho particulier dans le massacre de l’ordre du Temple Solaire en Isère. Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, treize adeptes de cette secte ainsi que trois enfants trouvent la mort lors d'un rituel sacrificiel collectif dans une forêt du Vercors.  

Les seize corps carbonisés, dont ceux des trois enfants, sont découverts par la gendarmerie une semaine plus tard, au cœur d'une clairière à Saint-Pierre-de-Chérennes. L'enquête qui s'ensuit dure cinq ans. Le procès s'ouvre en avril 2001 à Grenoble, avec un seul accusé : Michel Tabachnik, un célèbre chef d'orchestre franco-suisse. Bien qu'il soit établi qu'il entretenait des liens étroits avec Joseph di Mambro et Luc Jouret, le musicien nie son implication dans la secte. Malgré des jugements en première instance et en appel, il a été relaxé. Aujourd’hui, de nombreuses zones d'ombre persistent.