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L’Opéra du Rhin recrée le trop rare « Guercœur »

Strasbourg et Mulhouse présentent la troisième version scénique de l’œuvre d’Albéric Magnard depuis sa création à l’Opéra de Paris en avril 1931. Dans le rôle-titre, le baryton Stéphane Degout, au faîte de son art.

Par  (Strasbourg, envoyée spéciale)

Publié le 03 mai 2024 à 20h00, modifié le 04 mai 2024 à 08h54

Temps de Lecture 4 min.

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Au centre, Catherine Hunold (Vérité) et Stéphane Degout (Guercœur) lors de la générale de « Guercœur », d’Albéric Magnard, à l’Opéra du Rhin, à Strasbourg, le 26 avril 2024.

Il est des personnalités dont la mort frappe au point que l’on en oublierait presque qu’ils ont vécu : ainsi du compositeur Albéric Magnard (1865-1914), dont le trépas en héros de guerre – une rue porte son nom dans le 16e arrondissement de Paris – a éclipsé une œuvre singulière, voire remarquable. Retranché dans son manoir de l’Oise, à Baron, alors que l’armée allemande avance sur Paris, le musicien avait tiré sur les soldats, tué un caporal et blessé un sergent, provoquant en riposte le pillage et l’incendie de son domicile, dans les ruines desquelles on retrouvera son cadavre calciné, tandis que nombre de ses œuvres seront parties en fumée. Parmi elles, les premier et troisième actes de son opéra, Guercœur, dont subsistaient heureusement les versions pour chant et piano ainsi que l’acte central complet, emportés par la femme et les enfants du musicien, réfugiés à Pantin chez la tante de Magnard.

C’est cette partition d’orchestre, reconstituée de mémoire par l’ami Guy Ropartz (1864-1955), captée en 1951 par Tony Aubin et, surtout, en 1986 sous la direction de Michel Plasson pour la maison de disques EMI (avec José van Dam, Hildegard Behrens, Nathalie Stutzmann), que l’Opéra du Rhin a entrepris de réhabiliter sous le double magister d’Ingo Metzmacher à la direction et de Christof Loy à la régie, proposant ainsi la troisième réalisation scénique de l’œuvre depuis sa création le 23 avril 1931 à l’Opéra de Paris, et la première allemande en juin 2019 à Osnabrück (Basse-Saxe).

Insulté et frappé à mort

Dreyfusard de la première heure et athée convaincu, acquis au féminisme après son mariage avec une fille mère, Albéric Magnard, dont la propre mère s’est suicidée alors qu’il n’avait pas 4 ans, est le fils de Francis Magnard, plume renommée et codirecteur du Figaro. Pour autant, le jeune homme, passablement misanthrope, voire atrabilaire, fréquente peu le milieu parisien, tout comme il ne se mêlera pas aux habitants du village de Baron.

Sa musique même témoigne de cette insularité, qui emprunte certes à Wagner pour la structure continue, certaines couleurs orchestrales, ainsi que l’emploi du leitmotiv, mais se singularise par l’absorption de courants qui, tout en ignorant notamment la voie « impressionniste » suivie par Debussy, rassemblent dans leurs méandres la modalité spirituelle d’un Vincent d’Indy, qui fut son professeur, la luxuriance orchestrale héritée du postromantisme, sans oublier, parfois, la veine lyrique de Jules Massenet.

Comme le mage de Bayreuth, Magnard a écrit un livret dont il a, en revanche, complètement imaginé le synopsis. A l’ouverture de l’opéra, Guercœur est mort, qui stationne au Royaume des ombres après un décès prématuré deux ans plus tôt. Mais, tel un Orphée inversé, le voilà qui intercède pour revenir vivre sur terre où l’attendent, croit-il, sa femme Giselle, son ami Heurtal, ainsi que ce peuple pour lequel il a combattu au nom de la justice et de la liberté. Las, la veuve a épousé le disciple, lequel a renié les idéaux humanistes de son maître pour se faire dictateur, tandis que la populace immature et belliciste se déchire en deux camps adverses, sans reconnaître Guercœur, insulté et frappé à mort. Accompagné de Souffrance, qui lui a servi de guide, Guercœur, édifié, regagnera l’éther, retrouvant, avec les allégories Beauté et Bonté, le règne de Vérité, qui prophétise le bonheur futur – mais lointain – de l’humanité.

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