AllergieLes pollens sont-ils plus violents cette année pour les allergiques ?

Concentration dans l’air, symptômes… Les pollens sont-ils plus violents cette année pour les allergiques ?

AllergieBeaucoup de personnes allergiques aux pollens décrivent cette saison des symptômes plus violents
Cette année, les personnes allergiques aux pollens sont nombreuses à éprouver des symptômes plus violents.
Cette année, les personnes allergiques aux pollens sont nombreuses à éprouver des symptômes plus violents. - CHAMUSSY/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Comme chaque année à la même période, les pollens mènent la vie dure aux personnes allergiques.
  • Mais cette année, beaucoup décrivent des symptômes particulièrement violents.
  • Comment expliquer ce phénomène ? La météo joue-t-elle un rôle ? « 20 Minutes » a étudié la question.

«J’ai les yeux en feu ! » « Moi, j’ai des crises d’asthme de l’espace ». « ça fait un bail que je n’avais pas eu des symptômes aussi sévères ». En analysant le baromètre des allergies au doigt mouillé, nombreux sont ceux et celles qui se plaignent de la violence des pollens cette année.

Au crédit de leur ressenti, les derniers bulletins allergo-polliniques du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) ont vu rouge sur l’ensemble du territoire. Mais les pollens sont-ils vraiment plus sévères cette saison ? Quelles pourraient en être les causes ? Le long hiver automnal et l’arrivée tardive des beaux jours pourraient-ils être une explication ?

Des « explosions » de pollens

Première interrogation : les pollens sont-ils vraiment plus nombreux ou violents en ce moment ? Oui : « cette année, il y a eu des pollens en excès, dans toutes les régions, comme le montrent les cartes du RNSA : c’était souvent rouge partout à l’exception de la pointe bretonne, indique Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l’Inserm et épidémiologiste des maladies allergiques et respiratoires.

D’autant qu’il y a eu beaucoup de pollens très tôt, dès le mois de janvier, parce qu’il n’y a pas eu assez de jours froids quand cela aurait été nécessaire, lorsque la plante a besoin d’hiberner. Cette année, la saison des pollens est très longue et intense, sans répit, poursuit-elle. Je ne pense pas qu’il y ait eu un mois sans alerte aux pollens ».

Et s’il y en a tant, c’est parce que « les pollens étant le moyen de reproduction des végétaux, quand les conditions climatiques sont mauvaises et que d’un coup il y a une petite fenêtre de beau temps, ils libèrent alors des quantités très importantes de pollens, de façon violente, sous forme de nuage, et c’est précisément ce qu’il s’est passé ces derniers temps », explique le Dr Albanne Branelec, allergologue.

Une alternance répétée de temps beau puis moche « qui pourrait modifier un peu le comportement des graminées et déclencher une explosion de pollens dans la foulée du redoux des températures, avance Isabella Annesi-Maesano. De plus, l’arrivée de certains pollens a été décalée cette année par la météo très changeante alternant chaud et froid, ce qui donne l’impression d’un rattrapage des plantes dans la pollinisation ».

Explosion des symptômes

Mi-avril, durant le week-end où des températures estivales ont été recensées, Alice, qui se définit comme « allergique très légère et sans traitement », a eu des symptômes comme elle n’en avait pas connu depuis très longtemps : « yeux larmoyants et qui démangent, crises d’éternuements à répétition, nez qui coule et qui chatouille, et picotements dans la gorge », décrit la jeune femme. « Pour les raisons météorologiques évoquées, les symptômes peuvent être plus violents parce que la concentration des pollens dans l’air est plus élevée à certains moments, on en respire beaucoup donc les symptômes sont plus importants, et plus violents d’un coup, confirme le Dr Branelec. Pour les personnes allergiques, l’exposition aux pollens est moins progressive que d’habitude. C’est pourquoi même des patients traités et suivis sont confrontés à ces variations de concentration de pollens et éprouvent des symptômes plus ou moins violents selon les années ».

Parce que « l’allergie est aussi une histoire de dose : plus il y a de pollens, plus les symptômes allergiques sont exacerbés », abonde Isabella Annesi-Maesano. Ces explosions de pollens mettent donc « à risque les patients allergiques, augmentent leurs symptômes ainsi que le nombre de personnes allergiques ». Heureusement, « il y a peu de gens allergiques à tous les pollens, rassure l’épidémiologiste des maladies allergiques et respiratoires. Les gens sont généralement allergiques à un pollen et ont des symptômes durant sa saison. Il est vrai toutefois que la saison pollinique des graminées est longue, donc les personnes qui y sont allergiques en souffrent pendant plusieurs mois. Les données montrent toutefois que c’est au début de la pollinisation que les pollens sont les plus agressifs ».

Benjamin, lecteur de 20 Minutes, se demande ainsi si son allergie aux pollens pourrait être la cause des migraines qu’il a eues ces derniers temps. Des migraines survenues à l’occasion de pics de pollens. « Ce n’est pas vraiment documenté par des études robustes, mais l’allergie étant systémique, il pourrait y avoir un lien, avance Isabella Annesi-Maesano. On peut facilement imaginer que l’inflammation causée par la réaction allergique puisse entraîner une augmentation de la sensibilité des nerfs et des vaisseaux sanguins dans la tête, ce qui peut contribuer au déclenchement de migraines ».

Des facteurs aggravants

Pour ne rien arranger, « les pollens sont plus allergisants quand il y a de la pollution, souligne Isabella Annesi-Maesano. Or, il y a eu et il y a encore des pics de pollution ces jours-ci, malgré le froid ». Par quels mécanismes ce phénomène se produit-il ? « Sous l’effet des polluants, les pollens s’ouvrent et libèrent en excès leur contenu hautement allergisant, expose l’épidémiologiste. Cela crée un aérosol de pollens dans l’air : beaucoup de pollens et particules polliniques ultrafines sont en suspension, donc forcément, on y est davantage exposés ».

Et côté symptômes, « la pollution est mauvaise non seulement parce qu’elle fragmente les pollens et les rend plus allergisants, mais aussi parce qu’elle fragilise les muqueuses en causant une irritation qui permet aux pollens de pénétrer plus facilement et profondément dans les voies respiratoires, décrit Isabelle Annesi-Maesano. C’est un effet cocktail vraiment délétère, qui de surcroît crée de nouveaux allergiques. Car si l’allergie est génétique, avec des familles entières qui le sont, la pollution est un catalyseur de l’allergie aux pollens. C’est pour cela par exemple que l’on voit beaucoup d’enfants allergiques aux pollens de bouleau en consultation et aux urgences pour des crises d’asthme lorsqu’il y a des pics de pollution. On a désormais la certitude que le pollen peut être à l’origine de crises d’asthme ».

A cela vient s’ajouter « la théorie de la perméabilité des membranes, selon laquelle la pollution ainsi que d’autres produits engendrés par l’homme sont agressifs vis-à-vis des muqueuses : depuis les années 1960, on a inventé plus 360.000 nouveaux produits : plastiques, phtalates, solvants et autres polluants éternels, les fameux PFAS, énumère Isabella Annesi-Maesano. Des produits omniprésents dont les effets à long terme n’ont pas été étudiés. Mais selon des études expérimentales, ils abîment potentiellement nos muqueuses, augmentant leur perméabilité aux allergènes comme aux infections. Tout cela contribue beaucoup à la hausse des allergies comme celle des maladies auto-immunes ».

Les bons réflexes

En attendant, quelques bons réflexes permettent de soulager les symptômes. « Les pollens étant les plus en suspension dans l’air dans les moments les plus chauds de la journée, on aère chez soi le matin tôt et le soir tard, et on ferme les fenêtres dans la journée, préconise le Dr Branelec. Et évidemment, les déjeuners au parc sur l’herbe au milieu des arbres quand on est allergique, mieux vaut éviter ».

Autre astuce : « porter des lunettes et un masque en extérieur quand les pollens sont nombreux, c’est un filtre efficace. Et se brosser les cheveux voire les rincer en rentrant chez soi le soir ».

Au besoin, « on adapte les traitements des patients en augmentant les quantités d’antihistaminiques nécessaires pour les soulager, ajoute l’allergologue. Il y a aussi des traitements locaux qui sont utiles que les patients ont tendance à oublier : dans le nez et dans les yeux, ce qui peut compléter efficacement l’action des traitements oraux, qu’il faut bien suivre selon les recommandations de son allergologue ».

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