Jordan Bardella lance une « fake news » sur le financement de Valérie Hayer

Non, la campagne de Valérie Hayer n’est pas financée par Microsoft ou Meta. Jordan Bardella tape à côté. Mais le sujet des sponsors privés soulève de vraies questions.

Par

Jordan Bardella et Valérie Hayer jeudi soir, lors du débat organisé sur BFMTV.
Jordan Bardella et Valérie Hayer jeudi soir, lors du débat organisé sur BFMTV. © Domine Jerome/ABACA

Temps de lecture : 5 min

Lecture audio réservée aux abonnés

« Qui me parle ce soir, madame Hayer ? » interpelle Jordan Bardella jeudi soir, après une heure de débat organisé sur BFMTV. La tête de liste du RN essaie, à ce moment-là, de se dégager des liens entre le RN et la Russie de Vladimir Poutine. Sa réponse : une contre-attaque sur le financement de la campagne de Valérie Hayer. Selon Jordan Bardella, son adversaire macroniste serait financée par le parti européen Alde (Alliance des libéraux et démocrates européens), lui-même financé par de grandes multinationales comme Microsoft, Amazon, Facebook (Meta).

La newsletter politique

Tous les jeudis à 7h30

Recevez en avant-première les informations et analyses politiques de la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Valérie Hayer réplique qu'elle n'est pas membre de l'Alde. Ce qui est vrai. Elle est membre du groupe Renew Europe. Il n'a pas été possible de fusionner l'Alde et Renew Europe, aucune structure ne voulant céder sur l'autre.

À LIRE AUSSI Européennes 2024 : quand Bardella fait la courte échelle à HayerMais la fausse information de Jordan Bardella est plus profonde : les partis européens n'ont même pas le droit de financer les campagnes nationales ni référendaires. Les partis politiques européens ne peuvent même pas financer les formations des élus nationaux. Ce qui, du reste, limite fortement l'implication des partis européens dans la campagne européenne… L'Alde n'a même pas le droit de désigner des candidats aux élections européennes. Cela demeure la compétence des États membres, qui fixent les règles de financement.

Des partis politiques qui ne peuvent pas financer les campagnes

Le cadre réglementaire des partis européens est très strict. Dix partis européens ont rempli les conditions pour accéder aux fonds européens. Les conditions sont les suivantes : se déclarer auprès de l'autorité européenne (APPF), disposer de la personnalité juridique, avoir son siège dans un État membre, respecter les principes fondamentaux européens (définis à l'article 2 du Traité de l'UE), participer aux élections européennes et être représenté (via ses membres) dans un quart des États membres. Les partis ne doivent pas poursuivre un but lucratif ni être membres d'un autre parti politique européen.

À LIRE AUSSI La Commission européenne au chevet de nos démocraties maladesLeur financement est essentiellement constitué des subventions européennes. Un plafond a été institué : les subventions de l'UE ne peuvent excéder 90 % de leur budget. Pour les 10 % restants, ils doivent faire appel aux cotisations ou aux dons (dans la limite de 18 000 euros). Depuis décembre 2023, les partis doivent notifier à l'Autorité pour les partis politiques européens (et les fondations) tous les dons alors que, auparavant, seuls les dons supérieurs à 12 000 euros devaient l'être. La publication des dons est régulière sur le site de l'APPF. Les États membres n'ont pas le droit de les aider.

Les financements des entreprises exclus de la campagne Renew Europe

Les partis du centre, en Europe sont fracturés en trois entités, le parti Alde (qui comprend l'UDI en France), les démocrates européens (EDP, dont le MoDem) et Renaissance et les partis affiliés. En janvier 2024, ils ont signé un mémorandum en vue de cette campagne européenne. Dans celui-ci, les parties prenantes se sont engagées à organiser des événements de campagne en commun, cofinancés par chacune des constituantes. Mais il est explicitement prévu au point 3 de ce mémorandum que « toutes les activités de la campagne seront financées avec leurs ressources propres sans le financement des entreprises ». Ce mémorandum a été signé par les coprésidents d'Alde, Timmy Dooley et Ilhan Kyuchyuk, par l'eurodéputé Sandro Gozi, secrétaire général de l'EDP, et par Stéphane Séjourné pour le parti Renaissance.

Il y a eu, en vérité, une forte friction entre Stéphane Séjourné, l'ancien président de Renew, et les dirigeants de l'Alde lorsqu'ils ont tenté de créer un parti unique. La question des financements de l'Alde posait problème.

En effet, pour la seule année 2018, l’Alde avait reçu 122 000 euros en provenance de huit grands groupes et lobbys et ceux-ci payaient, en outre, un droit d’entrée pour intervenir lors du congrès annuel du parti ou lors de colloques. Parmi les sponsors, Google (15 000 euros), le groupe Bayer (18 000 euros), Deloitte, ou encore le lobby agroalimentaire Fooddrink… L’Alde continue de percevoir des dons des entreprises en 2022 : AT & T (18 000 euros), Microsoft (18 000 euros), Amazon (18 000 euros), Janssen (18 000 euros)…

Valérie Hayer n'est pas membre de l'Alde

On peut trouver de nombreuses informations sur les partis politiques européens dans une étude menée en mai 2023 par l'Institut Jacques Delors. En fait, les partis européens ont éprouvé de grandes difficultés à trouver des cotisants et des dons de particuliers ou d'entreprises.

Si bien que le plafond maximum des subventions européennes a été relevé deux fois. En 2008, il était de 75 % des ressources totales. En 2019, il a été relevé à 85 %. Désormais, c'est 90 %… Alde est le seul parti qui a constitué une base de membres individuels. Ils étaient 1 340 membres individuels en 2020. Mais Valérie Hayer n'en fait pas partie.

À LIRE AUSSI Liberalerna, le parti des libéraux suédois fait des vagues en Europe

Jordan Bardella a cru pouvoir jouer de cette carte en se parant de vertu. « Moi, je ne reçois pas de financements de grandes boîtes américaines, a-t-il lâché. Je comprends mieux pourquoi vous êtes si dure avec les entreprises françaises à qui vous imposez des normes toujours plus complexes : sans doute pour avantager les gens qui financent votre campagne. » Problème : c'est faux.

Un procès attend Marine Le Pen sur l'usage des fonds européens

Valérie Hayer aurait pu répliquer qu'en matière de financement, le RN a rendez-vous avec la justice. Marine Le Pen et la direction de son parti (26 autres prévenus) des années 2010 seront jugées à partir du 30 septembre par le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d'avoir mis en place entre 2004 et 2016 un système de rémunération par l'Union européenne des assistants parlementaires des eurodéputés qui travaillaient en réalité pour le parti. Marine Le Pen a déjà accepté de verser près de 330 000 euros au Parlement européen pour la rémunération indue de deux assistants parlementaires.

Une affaire similaire a frappé le MoDem, partenaire de la majorité présidentielle. Le procès des assistants parlementaires du MoDem s'est déroulé en novembre 2023.

Le 5 février, le tribunal correctionnel de Paris a condamné cinq ex-eurodéputés MoDem à des peines allant de 10 à 18 mois de prison avec sursis, des amendes de 10 000 à 50 000 euros et à deux ans d'inéligibilité avec sursis. François Bayrou a été relaxé « au bénéfice du doute », ainsi que deux autres prévenus. Le parquet de Paris a fait appel des décisions de relaxe.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (46)

  • Clicoeur

    @ sous le soleil de Marrakech (hier à 21 h. 46)
    J'ai toujours un peu de crainte que l'on se méprenne sur mon compte tant j'ai l'habitude (c'est plus fort que moi) de reconnaître de possibles circonstances atténuantes à mes adversaires comme de leur faire bénéficier du doute par simple honnêteté intellectuelle. C'est la raison pour laquelle je n'aurais jamais pu m'impliquer dans la politique militante.
    C'est ainsi que je peux affirmer que le mensonge et l'arrogance sont loin d'être l'apanage du RN, mais de plus ou moins de l'ensemble des partis politiques.

  • sous le soleil de Marrakech

    @clicoeur. Naïfs, certainement pas, mais arrogants et menteurs assurément. Ce n’est pas la première fois qu’ils énoncent volontairement des mensonges, sachant que c’est un grand classique. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». Certains commentaires confirment que cette façon de procéder leur convient parfaitement.

  • Clicoeur

    @ sous le soleil de Marrakech (hier à 16 h. 48)
    Vous croyez vraiment que Jordan Bardella et les membres de son parti sont assez naïfs pour croire que les médias ne vont pas se mettre à vérifier sur-le-champ la véracité des moindres propos du candidat d'Extrême droite ?
    Personnellement, j'en doute fortement.